Le poil à gratter… 
Lettre d’information de Cynorrhodon – FALDAC  
www.cynorrhodon.org  


N° 42 – mars 2016  

  ISSN 2264-0363
 

Gilles Guias
Les choses importantes
Notes préparatoires à une série de 11 expositions.











Esquisse pour
L’erreur est humaine




Esquisse pour
Loyauté – Finance




Esquisse pour
Nature




Esquisse pour
Nature – Le sculpteur




Esquisse pour
Attention ou concentration


Que l’importance soit dans ton regard, non dans la chose regardée !
André Gide, in Les nourritures terrestres

Le penchant de l’homme à considérer de petites choses comme importantes en a déjà produit des grandes.
Georg Christoph Lichtenberg, in Aphorismes

Quelles sont les choses importantes ? Celles que l’on emmènerait sur une île déserte ? Non pas seulement ces choses-là car les idées, les concepts, les valeurs, qui peuvent être de prime importance, ne se laissent guère saisir ni emporter… Des notions intangibles, molles,[1] peuvent être, en effet, plus cruciales que les savoirs et les objets matériels, durs. Albert Einstein n’écrivait-il pas : « L’imagination est plus importante que le savoir. »[2]

    À l’approche de la cinquantaine, Gilles Guias, plasticien né en 1965, dans une sorte de point fixe[3] à mi-parcours, se pose cette même question : « quelles sont les choses importantes pour moi ? »

    Sa première réponse pourrait être : « mon métier ». Gilles le pratique depuis plus de trente ans, à tel point que, lors de ses premières expositions, son galeriste[4] avait dû mentir sur son âge et le vieillir pour que ses œuvres paraissent crédibles auprès des collectionneurs potentiels. Malgré ce qu’en dit Blaise Pascal – « La chose la plus importante à toute la vie est le choix du métier : le hasard en dispose. »[5] –, Gilles s’intéresse à des choses plus importantes, moins aléatoires, moins personnelles et à caractère plus universel.

    Le premier risque de sa démarche serait de sombrer dans un propos généraliste, consensuel, politiquement correct, d’enfoncer des portes ouvertes, de rester à la surface des problèmes, d’adopter une démarche désincarnée et, partant, de peu d’intérêt. S’exprimer sur la transmission, sur la reconnaissance, la loyauté, la nature, l’homme et la femme, l’erreur ou l’argent peut effectivement très vite virer du côté du lieu-commun plus ou moins tautologique. À l’opposé, se pencher sur des petites choses – si chères à Emily Dickinson[6] –, certes importantes pour un individu mais difficilement dissociables de sa personne, expose au risque d’une démarche narcissique, nombriliste même si, comme le souligne Dostoïevski[7], ce sont souvent des causes de perte.

    Gilles Guias a choisi une voie médiane. Il a décidé de traiter de sujets à portée universelle qui l’interpellent, mais les aborde de son point de vue personnel, probablement réducteur, mais indéniablement porteur de ce sang de la vie qui fait tant défaut aux banalités éculées, vides de sens, insignifiantes de certains penseurs ou moralisateurs en chambre. En cela, sa démarche se situe à l’opposé de celle du poète lyrique qui, partant de sentiments et d’expériences personnels, leur donne une dimension universelle. Gilles personnalise l’universel, pour lui donner un sens par une expression enracinée et nourrie dans le terreau de sa propre expérience de la vie, sans pour autant s’enliser dans l’anecdotique, l’introspection égotiste et stérile. Il se situe donc pleinement du côté de James Joyce qui, sans son Ulysse, déclare : « Ce qui importe par-dessus tout dans une œuvre d’art, c’est la profondeur vitale de laquelle elle a pu jaillir. »

    L’artiste s’en explique en des termes on ne peut plus clairs : « L’idée centrale est de montrer frontalement et sans détour une position personnelle sur onze sujets humains, et de proposer ainsi une réflexion à celui qui regarde. » Les onze sujets ont été choisis en fonction de leur importance – probablement subjective – aux yeux de l’artiste. Ce choix n’est pas anodin car, comme le remarque Poe : « L’important, c’est de savoir ce qu’il faut observer. »[8] Gilles Guias affirme haut et fort qu’une œuvre plastique n’est pas simplement le champ d’une harmonie formelle pouvant déclencher une émotion. Pour lui, c’est avant tout, un moyen de raconter, de dénoncer, de transporter ou d’ouvrir une réflexion, un échange. Tous les thèmes retenus touchent à l’humain, dans ses rapports au monde, à la nature, aux autres et à lui-même. Ce sont des questions vitales pour notre époque, qu’il aborde avec la simplicité et le dépouillement du quotidien, avec juste ce qu’il faut de poésie, de naïveté, de dérision, de gravité, d’humour ou de cruauté… en fonction des sujets traités.

    Qui eût imaginé, ne serait-ce qu’il y a quelques années, que Gilles Guias en soit arrivé à une forme d’expression actancielle ? Ce virage est le résultat d’un long et inexorable processus naturel. En 2010, lors de la création et de l’exposition de sa série Puzzle, se manifestait au grand jour une volonté, sous-jacente depuis quelque temps, d’évoluer vers une peinture plus narrative, tout en reconnaissant ses propres difficultés à identifier des thèmes pertinents. Assez logiquement, mon épouse et moi-même avons été amenés à lui proposer le challenge de travailler, pendant neuf mois, sur quelques grands mythes, antiques, modernes ou contemporains. Ce travail résulta en la création de douze toiles de grand format présentées lors de l’exposition Mythes en abîme, de décembre 2013 à mars 2014[9]. Suivit, avec la réalisation du livre La moustache inattendue,[10] recueil d’une cinquantaine de peintures originales illustrées par de brefs haïkus, une exploration dans une veine plus légère, sous la forme d’une déclaration d’amour à la ville de Paris.

    Les choses importantes s’inscrit dans le prolongement de ces travaux récents, visant à une expression directe, à une prise de position personnelle sur des questions essentielles par le biais d’une création plastique. Une résidence en Dordogne. Onze thèmes et trois œuvres par thèmes, de dimensions et de techniques variées, dont une de grand format pour faciliter la pleine immersion du spectateur dans le sujet. La manifestation sera présentée en onze lieux différents, accompagnée d’un catalogue illustré, avec des contributions littéraires de jeunes critiques et un site Internet permettant d’en suivre le développement. Ce projet a été rendu possible par le généreux mécénat de Daniel Boulogne, l’implication de ses enfants Marie (communication et logistique des expositions) et Romain (site Internet) et d’AXA Assurances.

    Le projet de Gilles Guias n’est en aucun cas moralisateur ni à caractère édifiant. L’artiste traduit des idées – ses idées –, donne son point de vue en termes directement accessibles à la sensibilité du regardeur, mais ne se veut jamais normatif ni porteur de réponse univoque à des questionnements vieux comme le monde. Son propos relève de la prise de conscience, chez lui et – il l’espère – chez le spectateur, de quelques-uns des enjeux de notre temps. En ceci, il se fait l’écho du propos de Camus : « L’important n’est pas de guérir, mais de vivre avec ses maux. »[11]

Louis Doucet, octobre 2014




[1] Non pas dans un sens péjoratif mais dans celui qu’il a dans la désignation des sciences molles (sciences humaines sociales) par opposition aux sciences dures (sciences formelles et de la nature).
[2] In Sur la science.
[3] Non pas dans son acception mathématique mais dans celle de l’aéronautique : « essai au sol avant un nouveau décollage. »
[4] Olivier Nouvellet qui, plus de trois décennies plus tard, continue à présenter régulièrement ses travaux. Un bel exemple dont on se prend à rêver que d’autres professionnels s’en inspirent.
[5] In Discours sur les passions de l’amour.
[6] In Life & Other Poems :

    It’s such a little thing to weep
So short a thing to sigh;
And yet by trades the size of these
We men and women die!
  C’est si petite chose de pleurer
Si brève chose de soupirer ;
Pourtant c’est dans des activités de cette taille
Qu’hommes et femmes nous mourons !
[7] « Les petites choses ont leur importance ; c’est toujours par elles qu’on se perd. », in Crime et châtiment.
[8] In Histoires Extraordinaires.
[9] À la Commanderie des Templiers de la Villedieu, à Élancourt.
[10] Éditions Cynorrhodon – FALDAC, janvier 2014.
[11] In Le mythe de Sisyphe.


Les dessins aveugles d’Olivier Baudelocque








1988


1995


1995


1996


2013


2013


2013


FIAC 2015


« Quels yeux nous faudra-t-il et quelle patience, ou
quelle cécité, plutôt, pour soudain voir le jour. »
Giuseppe Ungaretti[1]

Olivier Baudelocque s’exprime par le biais de trois pratiques, très différenciées, mais qui restent concomitantes. Ses travaux les plus connus sont réalisés sur la base d’accumulations de divers matériaux récupérés, englobés dans des gangues de peinture acrylique colorée. Ses impressionnantes Grottes[2] en sont les réalisations les plus marquantes. On a pu voir aussi quelques-unes de ses Handpaintings, immenses compositions sur toile libre, réalisées avec les doigts. En revanche, ses Dessins aveugles sont moins connus et rarement présentés. Les premiers de ces dessins datent de 1987, quand l’artiste avait tout juste seize ans. Depuis, il n’a jamais cessé d’en produire, comme s’il s’agissait de l’entretien d’un jardin secret, contrepoids ou exutoire à ses œuvres plus exubérantes.

    Avant toute chose, il importe de préciser que, bien qu’autodidacte et éprouvant, comme beaucoup de créateurs, parfois quelques difficultés à s’exprimer sur son propre travail, Olivier Baudelocque a une connaissance approfondie et toujours renouvelée de l’histoire de l’art et de ses manifestations les plus contemporaines. Curieux de tout ce qui a été fait et de ce qui se fait, il revendique, sans ambiguïté, son inscription dans un processus historique auquel il veut apporter sa contribution. Rien, donc, dans son attitude qui puisse être assimilé à de l’amateurisme ou à une complaisance dans une forme de marginalité telle que la cultivent les tenants d’un Art brut[3]

    Les Dessins aveugles sont des dessins sur modèle, souvent des portraits. L’artiste fixe et observe son sujet et le transcrit sur la feuille de papier en s’astreignant à ne pas la regarder, si ce n’est quand le travail est terminé. Quand, dans un dessin traditionnel, les traits décrivent des courbes ininterrompues, chez Olivier Baudelocque ils ne sont que successions de ruptures, de reprises et de décalage. Le résultat n’est pas sans évoquer la vision multifocale inventée par Cézanne et reprise par les cubistes. Mais, alors que les pionniers du début du XXe siècle voulaient donner une perception objective du volume d’un objet en évoquant sa perception sous différents angles de vision, Olivier Baudelocque, lui, se place d’un point de vue subjectif, reproduisant les phases successives de son appropriation du modèle. La main n’est plus que l’instrument, parfois rétif, de la traduction des étapes de la déconstruction, puis de la reconstruction de l’objet. La cécité, volontairement consentie, devient un outil de découverte et de manifestation d’un processus cognitif. Le crayon, dans une main libérée de tout contrôle visuel, se comporte comme le stylet d’un sismographe enregistrant les variations d’états conscients engagés dans un mouvement d’exploration d’une réalité concrète.

    Un parallèle avec le jeu du cadavre exquis des surréalistes est tentant. Celui-ci recourt en effet à une forme de cécité pour produire des résultats inattendus, surprenants. Mais la différence est essentielle. Chez Breton et ses amis, chaque intervenant successif n’a aucune visibilité sur la contribution de son prédécesseur et encore moins sur l’ensemble du sujet qui n’existera qu’au terme de l’exercice. Seules quelques marques, sur la pliure de la feuille, lui permettent de poursuivre le dessin en continuité avec l’apport précédent. C’est donc chaque contributeur qui est rendu aveugle, ignorant du passé et du futur de la composition, concentré sur un seul fragment présent. Chez Olivier Baudelocque, il n’y a qu’un seul intervenant. Il voit, observe, analyse le sujet avant de procéder à sa représentation… Il en a une compréhension globale et préalable. Il a une vision d’ensemble de ce qu’il veut figurer mais c’est sa main qui est volontairement rendue aveugle. Elle n’a plus de marques ni de repères pour assurer la continuité du trait, quand le crayon abandonne une ligne pour en démarrer une autre. Même si le rapprochement est apparemment séduisant, les deux démarches sont donc profondément antithétiques. En d’autres termes, les surréalistes créent un univers imaginaire par une démarche constructive, additive, tandis qu’Olivier Baudelocque déconstruit, fractionne et reconstruit une réalité physique, palpable, bien ancrée dans le réel.

    Le processus d’Olivier Baudelocque est donc celui d’un désapprentissage de techniques et de réflexes, acquis par une longue pratique du métier, mais qui deviennent pesants et contraignants pour pleinement exprimer sa créativité. Et l’exercice n’est pas facile. On pense au mot de Fénelon : « La science la plus difficile est de désapprendre le mal. »[4] En désolidarisant l’œil de la main, l’artiste redonne sa place à une forme de maladresse primitive, celle que l’on peut retrouver dans certains dessins d’enfants ou dans des productions dites naïves. Mais cette naïveté ne penche pas vers la niaiserie ni vers une quelconque nostalgie des origines. Elle est plutôt, comme Hugo le soulignait une forme de « visage de la vérité. »[5] Une vérité sublimée, épurée de tous les poncifs et enseignements de la pratique du dessin figuratif.

    Cette cécité auto-infligée ne serait-elle pas l’inévitable contrepartie à la liberté absolue que l’artiste revendique ? Le désasservissement du regard et du geste, de l’œil et de la main, est générateur de surprises, d’accidents dans le sens aristotélico-scolastique de ce terme : « ce qui s’oppose à la substance ou à l’essence. » C’est encore, très certainement, une façon d’affirmer son indépendance vis-à-vis de la prégnance de la tradition, des académismes, qu’ils soient classiques ou transgressifs. C’est aussi une porte ouverte vers ce hasard objectif que Breton définissait comme « indice de réconciliation possible des fins de la nature et des fins de l’homme aux yeux de ce dernier. »[6]

    Quand Olivier Baudelocque s’invite à la FIAC 2015 et arpente les allées de la manifestation – crête de Huron et visage peinturluré – en proposant aux visiteurs de leur tirer le portrait à la mode aveugle, son propos se mue en prise de position politique. Trois cents dessins, réalisés sans regarder la feuille et donnés aux modèles, c’est une façon de manifester pour les contacts humains, pour la vie et le spirituel, contre le matérialisme mercantile qui prévaut en ce lieu. Autant de petits face-à-face souriants, d’ouvertures vers des espaces d’une liberté affranchie des contraintes monétaires… Et pour bien enfoncer le clou, ces dessins étaient monogrammés d’un seul B et datés de 1987… Encore un pied de nez à l’establishment artistique et à ses conventions stérilisantes…

    À sa façon, Olivier Baudelocque s’élève contre l’aveuglement de notre monde envers les valeurs fondamentales qu’il devrait porter. Il stigmatise son retrait narcissique sur des objectifs futiles, tourne en dérision le règne d’une fausse monnaie stérilisante, ridiculise la marchandisation de l’art et les comportements prédateurs qu’elle entraîne. Il le fait en lui opposant sa propre cécité, celle qu’évoque Giuseppe Ungaretti, librement consentie mais créatrice d’ouvertures et de perspectives nouvelles. En cela, il joue le rôle de celui qui, chez Platon, dans son allégorie de la caverne, ayant découvert le monde réel, dénonce, auprès de ses anciens compagnons de captivité, la fausseté des ombres prises pour la réalité. Ces derniers finiront par le tuer, convaincus qu’ils sont de la réalité de leurs propres illusions chimériques… Des Grottes, modernes cavernes platoniciennes[7], au Dessins aveugles, le propos est donc le même…

    Pour mener à son terme naturel cette expérimentation de dessins aveugles pour un monde aveugle ou, plus précisément, de dessins aveugles contre un monde aveugle, Olivier Baudelocque a le projet de peindre une série de toiles, d’après modèle ou d’imagination, sans les regarder pendant le processus de leur réalisation ni après. Empilées, face au mur, elles ne seraient sorties de l’atelier que par un tiers pour être accrochées dans une exposition que l’artiste ne visiterait pas… Esquisse future de son œuvre, selon les propos-mêmes de l’artiste qui écrit, dans un mouvement de protestation désespérée :

Je ne veux plus rien voir !
Je ne veux plus voir ce monde aveugle !
Je ne veux plus voir mes peintures !
Je ne veux plus rien voir !
Je ne veux plus voir vos peintures !
Je ne veux plus voir la peinture contemporaine !
Je ne veux plus rien voir !
Je ne veux plus voir mes peintures !
Je ne peux plus voir ce monde aveugle !

Louis Doucet, décembre 2015



[1] In Innocences et mémoire.
[2] Voir Louis Doucet, Les Grottes d’Olivier Baudelocque, in Subjectiles II.
[3] Qui, désormais, rejoint les pratiques académiques, avec ses lieux d’expositions, ses critiques et ses gloses. Tout comme la transgression de l’académisme est devenue un nouvel académisme.
[4] In Antisthène.
[5] In William Shakespeare.
[6] In Situation du surréalisme entre les deux guerres – Discours aux étudiants français de l’Université de Yale, 10 décembre 1942, repris dans La Clé des champs.
[7] Voir Louis Doucet, op. cit.


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