Le poil à gratter… 
Lettre d’information de Cynorrhodon – FALDAC  
www.cynorrhodon.org  


N° 43 – avril 2016  

  ISSN 2264-0363
 

Soumisha Dauthel









Femme au voile


Femmes au voile


Connexion


Connexion


Frontera


Les marcheurs


Les funambules


La fonction de l’artiste est fort claire : il doit ouvrir un atelier, et y prendre en réparation le monde, par fragments, comme il lui vient.

Francis Ponge[1]

Soumisha Dauthel a commencé à peindre dans les années 1990. Ses premiers travaux étaient fortement marqués par les leçons de Supports/Surfaces. Malgré de remarquables réussites, elle comprit assez vite que poursuivre dans cette voie bridait sa créativité et la menait inéluctablement dans une impasse. Elle a cependant continué à faire sienne la déclaration des fondateurs du mouvement : « L’objet de la peinture, c’est la peinture elle-même et les tableaux exposés ne se rapportent qu’à eux-mêmes. »[2] Chez elle, comme chez ses aînés, on constate donc encore et toujours l’importance égale accordée aux matériaux, aux gestes de l’artiste et à l’œuvre résultante, la recherche d’un sujet, qu’il soit universel ou anecdotique, étant reléguée au second plan. Elle fait volontiers référence à John Dewey : « Ce que vise l’artiste, c’est de laisser le dernier mot à l’adéquation avec les étapes dont l’œuvre résulte et qu’elle vient conclure. Comme le chercheur scientifique, il laisse l’objet de sa perception et les problèmes qu’il inclut déterminer l’issue, au lieu d’insister sur son accord avec une conclusion décidée d’avance. »[3]

    Rien ne prédestinait cette artiste, née d’un père d’origine saoudienne et d’une mère russe, à s’engager dans l’aventure d’une forme d’ascèse picturale dans laquelle la dimension narrative était volontairement occultée. Tiraillée entre l’interdiction de la figuration humaine de la culture islamique et l’adoration des icônes de la tradition russe, Soumisha a opté pour une troisième voie, celle de l’exubérance, dont Vladimir Volkoff écrivait : « La création, c’est l’exubérance de Dieu. »[4] Son généreux foisonnement s’exprime de façon évidente dans la profusion des couleurs mais aussi et surtout dans une recherche permanente de nouvelles techniques et procédés picturaux, comme si elle s’appliquait à en épuiser les infinies possibilités pour atteindre les frontières extrêmes des territoires de la peinture. Dans ce qu’on ne peut appeler autrement qu’une « fabrique d’images », elle peint, découpe, colle, assemble, grave, réplique, décale, dessine, numérise, adapte des prises de vue photographiques, imprime sur des autocollants… Et bien d’autres choses encore…

    Le point de départ – et d’arrivée – est cependant toujours la peinture. Avec une opulence de couleurs sensuelles, Soumisha peint des toiles et des papiers qu’elle conserve et entrepose pour servir de matériau de base pour ses futurs travaux. « Peindre sans peindre pour me libérer du poids de l’histoire de la peinture dans l’acte de peindre » déclare-t-elle… Vient alors, parfois longtemps après, la phase de découpage et d’assemblage, laquelle relève évidemment de la pratique du dessinateur, même si les outils – ciseaux et colle – n’ont rien de conventionnel pour ce type d’exercice. En effet, de façon paradoxale, le résultat n’est plus seulement une peinture mais aussi un dessin, dans la mesure où il en a les deux caractéristiques essentielles : l’intermédiaire et le mémorial.[5] Mémorial en ce que la matière première conserve un hic et nunc, celui de sa réalisation initiale, parfois distante de plusieurs années. Intermédiaire en ce que le geste de recomposition vise, dans la lignée de la profession de foi des membres de Supports/Surfaces, à transmettre un propos, une prise de position sur ce que sont la peinture, l’acte de peindre et le tableau. Le parallèle avec les papiers découpés de Matisse serait tentant puisque, chez le grand aîné, il s’agit aussi de dessins aux ciseaux. Mais, alors que le vieillard de Nice gouachait ses feuilles dans une couleur uniforme avec la volonté de ne pas laisser apparaître le geste, notre artiste cultive et exploite voluptueusement les coulures, les marbrures et les entremêlements de couleurs.

    Soumisha veut figer le temps pour, dans un second mouvement, le fragmenter et le recomposer sous forme d’espace. L’espace-temps dans lequel elle opère n’est pas celui d’Einstein, mais plutôt celui que Wagner évoque dans le premier acte de son Parsifal : « zum Raum wird hier die Zeit. »[6] Cette esthétique du fragment recomposé est au cœur de plusieurs pratiques et expériences qui dépassent largement le domaine des arts plastiques. Au-delà du propos liminaire de Ponge, on pourrait convoquer, pour illustrer cette démarche, des esprits aussi différents que Claudel – « Les mots ne sont que les fragments découpés d’un ensemble qui leur est antérieur. »[7] – et Nietzsche – « Ma seule ambition de poète est de recomposer, de ramener à l’unité, ce qui n’est que fragment, énigme, effroyable hasard. »[8] –, sans oublier les exercices de déconstruction et de reconstruction de Derrida. Avec une différence essentielle, cependant : le monde que Soumisha reconstruit à partir de fragments, c’est elle-même qui l’avait initialement créé avant de le morceler. Otto Rank, dans le chapitre Mythe et métaphore de son ouvrage L’art et l’artiste : créativité et développement de la personnalité,[9] trouve les racines de la personnalité de l’artiste dans les anciens mythes védiques où un vivant est sacrifié et démembré pour créer le monde, voire se sacrifie et se démembre lui-même. Dans ce modèle, et dans tous les autres qu’il évoque, le fondateur de la psychothérapie existentielle identifie le besoin qu’a l’homme de se hausser du statut de créature à celui de créateur. Il y a évidemment de cela dans la démarche de notre artiste qui, consciemment ou non, veut se muer en démiurge.

    Prenons la série des Femmes au voile, de 2013. Celles en noir et blanc sont des gravures sur cuivre imprimées sur papier autocollant. Celles en couleur des assemblages de fragments de peintures acryliques. Dans les deux cas, au centre de la composition, la place du visage est découpée pour laisser un vide, une béance qui rend anonymes ces femmes. Ce sont comme des miroirs de notre humanité où chacun peut, selon les circonstances de son existence, y projeter les images de ses propres expériences. Plus significative est, cependant, la disjonction, particulièrement évidente dans les pièces en noir et blanc, entre les fragments de motifs que l’on peut distinguer et le sujet suggéré. C’est que, une fois de plus, Soumisha ne s’attache pas à une démarche narrative. Son propos est sur la peinture et sur le peintre. Rien d’autre… Ce qui nous est donné à voir relève plutôt de la trace, dans le sens que Derrida lui donne : « La trace n’étant pas une présence mais le simulacre d’une présence qui se disloque, se déplace, se renvoie, n’a proprement pas lieu, l’effacement appartient à sa structure. »[10] Une belle illustration de cette différance derridienne, de ce « déplacement des signifiants qui signifient en marge puisqu’il n’y a pas de signifié transcendantal, originel et organisateur. »[11]

    Dans sa série la plus récente, Connexions, Soumisha limite quelque peu son exubérance en matière d’hybridation des techniques, puisqu’elle se limite au dessin et au collage de lambeaux de peintures. En revanche, elle ne cède rien en matière de rutilance des couleurs. Les petites bandes de toile bariolées, disposées en faisceaux, créent une sorte de fenêtre dans laquelle apparaît un dessin au trait noir sur fond blanc. Ce sont des images banales, croquées dans le métro ou collectées sur Internet, des silhouettes réduites à leur contour, vidées de tout contenu émotionnel ou expressif. Ces idéogrammes de la banalité quotidienne sont convoqués pour créer un espace pictural qui récuse la perspective traditionnelle, s’ancrant dans une tradition antérieure aux normes fixées par Alberti. On pourrait évoquer les enluminures de manuscrits médiévaux ou les compositions de Fra Angelico, avec leurs arcatures, leurs fenêtres et ce qu’Argan désignait sous le terme de « naturalisme ascendant »[12]. Si ce n’est que, chez Soumisha, l’anagogie ne vise pas à faire « monter » le spectateur vers l’extase de la révélation d’une transcendance divine mais, a contrario, à lui faire prendre conscience de la matérialité, de la prégnance, de la prééminence de la peinture conçue, avant toute préoccupation figurative ou représentationnelle, comme une « fabrique des images ».

    Les compositions de Soumisha parlent donc de peinture. En ce sens, elles font œuvre de mémoire. Mémoire du support et des gestes qui ont couvert la toile ou le papier puis des processus de découpage et de collage qui ont donné naissance à l’œuvre nouvelle… Mais cette mémoire est rendue diachronique, dans le sens saussurien de ce terme.[13] En rapprochant, dans une même œuvre, des moments de réalisation différents, l’artiste introduit la confusion dans la séquence des événements, comprime le temps chronologique pour lui substituer un espace, selon la définition qu’en donnait Leibniz : « L’espace est l’ordre des choses qui coexistent, le temps celui de leurs modifications continues. »[14] Et le va-et-vient est persistant, entre espace et temps, car, après tout, comme le disait Elsa Triolet : « Le temps n’est que l’activité de l’espace. »[15]

    La composition, Frontera, 2015, technique mixte sur impression photographique, et la série Les marcheurs, 2013-2014, feutre et matériaux divers, illustrent bien cette abolition de la dimension temporelle. Y figurent des fragments dont certains motifs sont empruntés à des Totentänze de la pré-Renaissance allemande. Ailleurs, une photographie, en noir et blanc, de bâtiments industriels est quasiment recouverte par des collages de hallebardes bariolées et par la silhouette, elle aussi arbitrairement colorée, d’un homme qui marche. Pas de troisième dimension. La planéité est revendiquée, avec des hiatus d’échelles qui subvertissent d’emblée toute tentative de construction d’un quelconque développement narratif. En revanche, le mouvement est exprimé, bien que suspendu comme dans un instantané photographique. Ceci est encore plus évident dans la série Les funambules, 2014, feutre et matériaux divers sur impression photographique, où les silhouettes sont fixées à la limite du déséquilibre, de la chute… mais d’une façon neutre, sans affect, pour éviter de sombrer dans un pathos incompatible avec la distance revendiquée par l’artiste.

    Le temps, même figé, resurgit donc là où on ne l’attendait plus… Du temps à l’espace, puis de l’espace au temps… Chez Soumisha Dauthel, le balancier oscille en permanence et la boucle est bouclée…

Louis Doucet, août 2015



[1] In Méthodes.
[2] Vincent Bioulès, Louis Cane, Marc Devade, Daniel Dezeuze, Noël Dolla, Bernard Pagès, Jean-Pierre Pincemin, Patrick Saytour, André Valensi et Claude Viallat, in catalogue de l’exposition La peinture en question, Musée du Havre, juin 1969.
[3] In L’art comme expérience.
[4] In Si nous parlions de Dieu.
[5] Voir Louis Doucet, Petits papiers, in Subjectiles III.
[6] « Ici, le temps se mue en espace. »
[7] In Positions et propositions.
[8] In Ecce homo.
[9] 1932. Traduction française publiée aux éditions Payot-Rivages en 1984, rééditée en 1998 et 2014.
[10] In La Différance, in Bulletin de la société Française de philosophie, 27 janvier 1968.
[11] Lucie Guillemette et Josiane Cossette, Déconstruction et différance, Université du Québec à Trois-Rivières, 2006.
[12] In Fra Angelico.
[13] « La linguistique diachronique étudie, non plus les rapports entre termes coexistants d’un état de langue, mais entre termes successifs qui se substituent les uns aux autres dans le temps. », Ferdinand de Saussure, in Linguistique générale.
[14] Citation traditionnellement attribuée à Leibniz sous la forme Der Raum ist die Ordnung der zur gleichen Zeit existierenden Dinge, die Zeit die Ordnung ihrer kontinuierlichen Veränderungen, mais qui n’est, en fait, qu’un résumé de propositions figurant dans La Monadologie, ouvrage initialement publié en français.
[15] In Le Grand jamais.


Claire Espanel – Voler et chuter dans la forêt



















L’homme en tant qu’homme ne peut vivre horizontalement.
Son repos, son sommeil est le plus souvent une chute.

Gaston Bachelard[1]

Les dessins de Claire Espanel sont réalisés à la pierre noire sur de grandes feuilles de papier calque polyester. Elles sont libres, légèrement plombées à leur base, suspendues à distance du mur, réagissant au moindre souffle d’air ou au déplacement du spectateur. La matité diaphane du support leur confère de rares qualités tactiles et sensuelles. Elle incite à transgresser le noli me tangere, l’interdiction de toucher habituellement attachée aux œuvres plastiques en état de monstration.

    Ses compositions évoquent des créatures indéterminées flottant à la cime des arbres dans des sous-bois crépusculaires, des corps hybrides lévitant dans un espace à la lumière cristalline, la chute vertigineuse de carcasses démembrées, la rencontre de l’eau et de l’air également insondables, des crépuscules interminables… L’atmosphère doit évidemment au surréalisme dans son versant nocturne, mais on y trouve aussi des réminiscences lointaines d’œuvres de Kubin ou de Böcklin.

    Pour Freud, rêver que l’on chute dans le vide révélerait une aspiration à se laisser aller, à renoncer à vouloir contrôler son environnement. Ce serait aussi une forme de vertige révélateur d’un sentiment d’insécurité vis-à-vis de la réalité, de la difficulté d’assumer des prises de décisions, d’appréhension de ne pas être à la hauteur de la situation, de crainte d’assumer ses désirs sexuels… Il y aurait aussi, toujours selon le fondateur de la psychanalyse, un sentiment de toute-puissance réfuté par l’inconscient qui ramènerait le rêveur à sa condition de victime de ses pulsions incontrôlables. Pour Jung, rêver de chute serait la manifestation du rejet de la représentation sociale que le sujet se fait de lui-même, pour enfin s’accepter tel qu’il est, avec ses faiblesses et ses fragilités.

    Il y a probablement un peu de tout ceci, dans les dessins de Claire Espanel, mais aussi et surtout ce que Heiner Müller constate : « La plus grande chute est celle qu’on fait du haut de l’innocence. »[2] Le strict confinement dans des registres de noir et de blanc provoque un sentiment de manque, de suspension du temps, de rejet de toute épiphanie[3], l’évidence d’un désir régressif de revenir à un état d’innocence, de béatitude antérieure, que le caractère embryonnaire des créatures représentées laisse soupçonner. On y lit un refus de toute volonté d’action, de celle-là même dont Maritain écrivait qu’elle « est une épiphanie de l’être ».[4] Ses figures ne se dévoilent pas comme des créatures de chair et de sang. Elles ne sont que des fantômes, des spectres, des possibilités d’entités qui restent désespérément virtuelles, des âmes mortes ou à naître… Des âmes hésitantes, en apesanteur, à la limite du chavirement, reflétant la perte de leur blancheur immaculée dans la noirceur de la surface dont elles émergent. Ce sentiment de précarité essentielle est accentué par les incertitudes du geste de l’artiste : longue succession de recouvrement et d’effacements rageurs, jusqu’à ce que le sujet surgisse, fragile, presque timide, comme par miracle. De ce long processus, il subsiste comme un tremblement, un frémissement ou un bruissement, celui d’un chuchotement confidentiel d’une confession à peine audible, de la reconnaissance d’une culpabilité pourtant inavouable… Tremblement des formes, du support laissé au gré des courants d’air, de la ligne contrariée par les griffures des effacements nerveux, mais aussi de la texture du noir simultanément affirmé dans sa présence palpable et incertain sur son substrat cristallin…

    La forêt est omniprésente dans les dessins de Claire Espanel. Elle fait résonance à Bachelard quand il écrivait : « La forêt est un état d’âme. »[5] On y trouve aussi un écho des Correspondances baudelairiennes et de l’homme plongé dans des « forêts de symboles / Qui l’observent avec des regards familiers. »[6] Les sous-bois sont, pour les psychanalystes, le symbole de la féminité, de son mystère, de la mère primitive, de sa nature sauvage et instinctive. Ils jouent le rôle d’un miroir révélateur de la nature profonde de la femme. Mais leur beauté peut être source d’oppression, d’étouffement de la personnalité. Ce sont là que se terrent les personnages des contes immémoriaux et des légendes enfantines : les animaux sauvages, les voleurs de grand chemin ou les ogres… Apaisement et frayeur… Renoncement et vitalité... Lucidité et inconscience… Instinct et raison…

    Les futaies nocturnes de Claire Espanel sont quelque peu cannibales. Elles font penser à un vers de Guillevic évoquant son Argoat : « Les forêts le soir font du bruit en mangeant. »[7] Au niveau des cimes des arbres ou plus bas, près du sol, lévitent des masses de chairs informes. On pense aux pièces de viande à l’étal d’un boucher, aux bocaux de formol contenant les échantillons pathologiques anatomiques du musée Dupuytren, aux dessins de Bellmer ou aux corps torturés de Bacon… Ces chairs hybrides en suspension, ni animales ni humaines, sont recroquevillées sur elles-mêmes, en position fœtale, comme ficelées, empaquetées par des liens invisibles. On peut y distinguer, tour à tour, un bassin, une tête, une croupe, des organes sexuels féminins, des fesses, un tronc, un bras ou une jambe, un visage, peut-être… Ces images furtives se dissolvent pour céder place à d’autres qui surgissent comme par derrière, de la réserve du blanc, tremblantes et incertaines vibrations laborieusement arrachées par de violents coups de gomme à l’intense magma du graphite… Ces êtres sont-ils liquides ou solides ? Sont-ce de gros mammifères atrophiés ou des insectes hypertrophiés ? Peu importe… Ce sont, avant tout, des corps las, exténués, ayant renoncé à toute volonté. Ils ont lutté jusqu’aux extrêmes limites de leurs forces. Ils viennent juste d’abandonner le combat et ne tiennent plus que par la tension des noirs et des blancs, résultant d’un combat par trop inégal entre l’artiste et la matière noire. Ils sont lunaires,[8] éclairant d’une lumière froide l’obscurité d’une nuit insondable. Ils sont sur le point de capituler, livrés, sans défense, à l’appétit ogresque de la forêt carnivore…

    Même s’ils sont proches de l’engloutissement, ces corps continuent pourtant à flotter, à voler. Chez Freud, rêver que l’on vole dénote, chez les femmes, un désir de rencontre érotique. C’est, plus généralement, l’expression d’un sentiment de culpabilité, de la volonté d’échapper à une situation résultant d’une faute commise, réelle ou imaginaire. Voler, c’est fuir la prise de responsabilités, le monde réel et ses contraintes, au risque, comme Icare, de se brûler les ailes et de ne jamais pouvoir revenir sur terre. Lacan, lui, établit un parallèle entre les deux sens du mot voler, renforçant ainsi la notion de faute et de culpabilité. Pour les Jungiens, le rêve de vol traduit un désir de quitter son écorce corporelle, inconfortable, pour s’affranchir des contingences matérielles.

    Les dessins de Claire Espanel embrassent tous ces sens, mais ouvrent la voie à d’autres lectures. Il y est question de limites dont les corps cherchent à se dégager, à l’instar des effacements qui révèlent et libèrent la forme de la gangue abyssale de la lave noire… De points de fuite improbables ouvrant les portes sur un invisible occulté par la surface opalescente du calque… Du corps-à-corps de l’artiste avec une matière rebelle jusqu’à cet instant de grâce, hors du temps et de l’espace, où tout se tient enfin, comme par prodige… D’errance, dans un univers où les choses les plus sûres deviennent instables, spectrales et fuyantes… De tâtonnements indécis et d’affirmations incarnées… De sensualité tactile et de cauchemars prégnants… D’immédiateté et d’éternité…

    Et bien d’autres choses encore…

Louis Doucet, décembre 2015



[1] In L’air et les songes.
[2] In Nous sommes cruels.
[3] Au sens étymologique de ce terme : manifestation d’une réalité cachée.
[4] In Humanisme intégral.
[5] In La poétique de l’espace.
[6] In Les fleurs du mal.
[7] In Carnac, in Terraqué.
[8] Donc féminins, dans la culture latine. À l’opposé, dans les cultures nordiques, le soleil (die Sonne) est féminin et la lune (der Mond) masculine. Les effigies nocturnes de Claire Espanel brouillent ces pistes en mêlant les attributs des deux sexes.


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