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Le poil à gratter… 
Lettre d’information de Cynorrhodon – FALDAC  
www.cynorrhodon.org  


N° 158 – novembre 2025  

  ISSN 2264-0363
 

Samuel Aligand














Forme pensée, 2006




Forme pensée, 2006




Fond, 2006




Fond, 2006




Fond Perdu, 2019




Fond perdu, 2019




Jonction, 2013




Déplis, 2013




Débord, 2015




Dispersions, Orléans, 2015




Nœud, 2012




Secoué, 2018




Prospections, 2010




Matrice, 2021




Récif, 2016




Récif, 2023




Orbites, 2012




Hors champs, 2016




Tige, 2022




Tiges, 2023




Aiguillons, 2023




Chapelets, 2023,




Les veilleurs, 2018




Unaire, 2009




Souffles, 2009




Sonochrome, 2017




Sonochrome, 2017




Sonochrome, 2017




Disonoplasme, 2018




Grand fond perdu sonorisé, 2022


L’œuvre plastique, pour répondre à la nécessité de révision absolue des valeurs réelles sur laquelle aujourd’hui tous les esprits s’accordent, se réfèrera donc à un modèle purement intérieur ou ne sera pas.

André Breton[1]

C’est en décembre 2003 que je suis entré, pour la première fois, en contact avec le travail de Samuel Aligand. Il avait posé sa candidature pour exposer à la Galerie du Haut-Pavé. Ma visite, dans son petit atelier, à Gennevilliers, faisait partie du processus de sélection pour les dossiers qui avaient retenu l’attention des membres du Comité de Programmation. Ses productions ne m’avaient pas pleinement convaincu. Je notai alors, pour mes collègues décisionnaires : « Le travail de l’artiste, âgé de vingt-cinq ans, reste encore assez scolaire, même si les pièces les plus récentes montrent une évolution dans le bon sens et une densification de la matière et du métier. Je lui proposerais de continuer à travailler et de nous contacter à nouveau dans six à huit mois. » Un nouveau contact fut effectivement établi et je retournai dans son atelier en février 2006. Mon intuition première était justifiée. Je donnai alors un avis favorable que je justifiai en ces termes : « L’artiste a progressé depuis ma première visite. Il propose des grandes peintures sur des plaques en matière plastique, des dessins à la mine de plomb, des peintures sur papier vivement enlevées et des œuvres en volume, bariolées, réalisées dans une matière thermo-déformable. Elles évoquent des raclures de palette en volume, un peu comme des fonds de pots de peintures dans lesquels plusieurs couleurs se seraient succédé. Je trouve l’ensemble intéressant et, en tout état de cause, plus mûr et convaincant que ce que j’avais vu lors de ma première visite puis, la même année, à Jeune Création. »

     Dûment programmée, son exposition dans la galerie, intitulée Tropismes, se tint du 25 avril au 20 mai de la même année. Dans le texte introductif, le regretté Bernard Point déclarait d’emblée : « Au fond, et à première vue, le travail de Samuel Aligand peut être considéré comme mouvement perpétuel entre haut et bas fond. […] L’exposition Tropismes ouvre l’espace à une croissance de formes constitutives de la peinture/matière devenue volume, fonds perdus récupérés en fonds de réserve[2]. » À l’appui de ses propos, avec son habituelle pertinence, il citait Paul Klee : « Nulle part ni jamais la forme n’est résultat acquis, parachèvement, conclusion. Il faut l’envisager comme genèse, comme mouvement. Son être est le seul devenir et la forme comme apparence n’est qu’une maligne apparition, un dangereux fantôme[3]. »

     Mon épouse et moi avions été tellement séduits par ce qui était donné à voir que nous avions acquis, sur-le-champ, deux des œuvres exposées. La première, un dessin à la mine de plomb de la série Formes pensées, était réalisée par frottements successifs d’une mine de plomb couchée et roulée sur une feuille de papier. La forme résultante suggère un dynamisme qui peut faire penser aux travaux de certains constructivistes russes – les frères Pevsner[4], par exemple – ou encore aux représentations graphiques tridimensionnelles utilisées notamment en géodésie. La seconde appartenait à la série des Fonds. Comme leur nom l’indique, c’étaient les résidus bariolés, refroidis et décollés des parois du récipient dans lequel l’artiste faisait fondre des pigments colorés et des pains de matière thermoplastique. Ici, ce sont des fragments de récifs coralliens ou des masques grotesques[5] et fragiles qui viennent à l’esprit du regardeur. L’artiste allait revenir plus tard à ce type de réalisation, à une bien plus grande échelle, dans ses Fonds perdus de 2019.

     Bien que différents dans leur aspect ces dessins et ces œuvres en volume partageaient quelques caractéristiques communes que l’on retrouvera dans les productions ultérieures de Samuel Aligand : importance – voire primauté – du processus, intrusion de facteurs aléatoires, restant cependant sous contrôle, oppositions dialectiques entre mou et dur, lisse et rugueux, vide et plein…, distance prise avec des modèles extérieurs au profit de valeurs intérieures à l’artiste… Pour ces raisons et bien d’autres encore, nous avons programmé notre artiste dans la plupart des manifestations que nous avons organisées depuis lors, chaque fois que sa présence faisait sens…

     On l’aura compris, les matériaux de prédilection de Samuel Aligand sont des matières plastiques colorées, achetées dans des magasins de bricolage, auxquelles il applique des traitements variés. Il les chauffe, colore, malaxe, refroidit, souffle, peint, découpe, modèle, arrache, étire, tord, pétrit, enroule, noue, décolle, recouvre, remplit, dissout, ponce, colle, retouche, absorbe, étale, cuit, verse, vide, évide, recycle[6]… Très peu de ces verbes apparaissent dans la fameuse Verb list (1967-1968) de Richard Serra… Il est vrai que le traitement des matières plastiques est bien éloigné de celui de l’acier…

     Les productions de notre artiste sont à l’échelle du geste qui les a créées : de la main aux dimensions du corps. Le hasard et la perte de contrôle – très temporaire – du processus de leur émergence, jouent aussi un rôle important dans leur genèse. La vitesse et la spontanéité d’exécution sont aussi primordiales dans le processus créatif. De ses productions, l’artiste écrit : « nourries par les formes de la nature, elles consistent à trouver des niveaux de figurations particuliers émergeant de processus. Je privilégie ceux qui permettent une action rapide pour un résultat immédiat, ménagé par une part de hasard. C’est une manière de faire place au surgissement de l’imprévu en se rapprochant de la vélocité et des aléas de la pensée dans des gestes qui amènent les matériaux à des états limites[7]. »

     Les œuvres de Samuel Aligand ont un aspect organique, comme s’il s’agissait de mues ou d’étapes dans la métamorphose d’animaux improbables. Le spectateur est confronté à des formes naturelles qui auraient subi d’irréversibles transformations. Il est témoin d’une véritable inversion des rôles, de perméabilité entre les mondes vivants et matériels, de retour à un état primordial qui évoque le cycle irréversible de la naissance, de la vie, de la mort et de la régénération… Ses œuvres entretiennent une confusion des échelles, amalgamant le microcosme et le macrocosme pour, selon ses propos, matérialiser l’énergie à l’œuvre dans la matière[8]. Il se plaît ainsi à citer Fernando Pesoa :

     De mon village, je vois de la terre, tout ce qu’on peut voir dans l’Univers…
     Pour cela, mon village est aussi grand, que n’importe quelle autre terre,
     Parce que j’ai la taille de ce que je vois
     Et non la dimension de ma taille[9]

     Par des processus géologiques artificiels[10], avec une très relative absence de maîtrise, Samuel Aligand met en évidence, à sa façon, l’action, le passage de l’homme sur des matériaux communs. Les pièces résultantes, grandes ou petites, en deux ou en trois dimensions, fantastiques, merveilleuses, sans nul doute, présentent la double caractéristique de conserver des traces de leur fabrication et de révéler l’intériorité de l’artiste, s’inscrivant ainsi dans l’esprit du propos d’André Breton cité en exergue du présent texte. C’est ce qui a amené un des commentateurs de ses œuvres à poser la question : l’aventure intérieure est-elle soluble dans la peinture[11] ? Ses œuvres sont les reliques – au sens étymologique de ce terme[12] – d’une histoire humaine, d’un ensemble de connexions et de relations éphémères que la matière domestiquée pérennise. Un matériau insignifiant s’anime donc, devient palimpseste, témoignage de strates d’aventures humaines et acquiert ainsi une âme, faisant écho aux célèbres vers de Lamartine :

     Objets inanimés, avez-vous donc une âme
     Qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? [13]

Typique de cette démarche est la grande sculpture participative Jonction, 2013, que nous avons exposée en plein air, à Magny-les-Hameaux[14], en 2014. Réalisée avec une résine rose très malléable mais à prise rapide, elle est le fruit d’un travail collectif avec des habitants d’Athis-Mons. Elle garde les traces des empreintes des mains des participants qui l’ont façonnée lors d’un stage de pratique artistique avec l’artiste. Elle donne ainsi corps et matière aux propriétés haptiques de la sculpture. Elle fait aussi fi du noli me tangere[15] muséal en invitant les regardeurs à la toucher pour comparer les traces des mains des créateurs avec les leurs.

     Ce qui frappe d’emblée le regardeur d’œuvres de Samuel Aligand, c’est la jubilation, la jouissance de la couleur faite matière. Elle est particulièrement sensible dans les séries Déplis, 2013, Débords, 2015 et Dispersions, 2015. Les deux premières sont présentées au mur, la dernière, autoportante, au sol. Pour réaliser ces pièces, l’artiste fixe une plaque de PVC blanc au sol. Il y verse un jus coloré, mélange de peinture et de vernis. Quand la couche est sèche, il élimine les traces colorées au dos du support, puis le découpe et le thermoforme en lui donnant une configuration dynamique, ondoyante. C’est, selon ses propos, la tentative de faire s’échapper la peinture de son support pour rendre la couleur autonome dans l’espace qui la contient […] à pousser la matière dans ses retranchements[16]. On comprend, en les observant, que ces structures, devenues verticales, ont été planes. Elles donnent cependant l’illusion d’une profondeur. C’est, dans un résumé saisissant, toute la problématique de la peinture classique qui est ainsi métaphorisée : donner le sentiment de la troisième dimension dans le cadre d’une surface bidimensionnelle. Pour les pièces qui sont accrochées au mur, la réfraction de la couleur sur le blanc de la paroi les met dans un état d’apesanteur et leur confère une sorte de très benjaminienne aura, cette unique apparition d’un lointain, quelle que soit sa proximité[17].

     Les ondulations de ces œuvres peuvent se muer en torsions ou en plis, notamment dans les séries des Nœuds, 2012, et des Secoués, 2018. Si l’on en croit Gilles Deleuze, présentant la philosophie de Leibniz, dans son traité sur Le Pli, celui-ci est la caractéristique essentielle du baroque[18]. Ce baroque si cher à Samuel Aligand… Lequel Leibniz écrivait, en français : « On pourrait connaître la beauté de l’univers dans chaque âme si l’on pouvait déplier tous ses replis, qui ne se développent sensiblement qu’avec le temps[19]. » Ces pièces, de dimensions modestes, évoquent des tissus qui, comme des serpillières, auraient été trempés puis tordus pour les essorer. Elles font état d’une tension, dont l’origine est laissée à la libre interprétation du regardeur, mais qui renvoie, presque à notre corps défendant, à la statuaire du XVIIIe siècle italien, à la prégnance érotique et à la sensualité de ses drapés, dans leur instabilité figée dans du marbre pour l’éternité.

     L’esprit du Grand Siècle est aussi très présent, chez Samuel Aligand, dans son intérêt pour les cabinets de curiosités. Expérimentateur infatigable et impénitent, il est aussi habité par le démon du classement[20], du rangement, de la taxonomie. En témoigne l’accrochage intitulé Prospections, collection de petites œuvres, anciennes ou récentes, présenté à Rennes en 2010. Les visiteurs se retrouvaient plongés en plein cœur de ces collections d’artificiala, ces objets qui tentent d’imiter la nature, qui, exposés à côté de naturalia, faisaient les délices des dilettanti à travers toute l’Europe, anticipant, à leur façon, les futurs musées d’histoire naturelle. Alexandre Mare n’écrivait-il pas, en 2008, que, dans ces pièces, Samuel Aligand « annonce le trouble entre ce désir de rendre naturel l’artifice et le désir de rendre le naturel tout aussi artificiel. Bref, de trouver un juste milieu entre deux mondes. Le point du trouble. Un au-delà, possiblement[21]. » Et l’artiste d’ajouter que ces œuvres veulent saisir aussi l’énergie qui les motive en retrouvant du naturel dans l’artificiel[22].

     Comme je l’ai évoqué plus haut, l’œuvre de Samuel Aligand, tout en restant d’une remarquable cohérence, est le champ de multiples et riches oppositions dialectiques. Les plus notables sont les suivantes.

  • Compacité vs éclatement – Certaines œuvres de Samuel Aligand, comme Matrice, 2021, se présentent comme des stèles compactes, imposant une présence massive et incontournable. À l’opposé, ailleurs, comme les Fonds, les Fonds perdus et bien d’autres encore, ses pièces suggèrent un éclatement, une déflagration, une sorte d’explosion interne qui serait née en leur sein, projetant des fragments alentours. Alexandre Mare[23], citant André Breton, n’hésite d’ailleurs pas à utiliser l’expression explosante-fixe[24] pour les décrire.
  • Opacité vs transparence – On l’a vu, la plupart des compositions de notre artiste doivent beaucoup à la tradition de la peinture dont les subjectiles sont couverts, opacifiés pour figurer un sujet… ou son absence… Cependant, dans sa série des Récifs et ailleurs, il propose des entrelacs qui incitent le regardeur à percer cette surface du regard pour deviner ce qui est derrière, le mur ou l’espace d’exposition.
  • Vide vs plein – Dans certaines de ses compositions en volume, murales ou posées au sol, comme Orbites, 2012, Dispersions, 2015, ou Hors champs, 2016, Samuel Aligand met plus en évidence les creux créés dans les évidements de ses structures colorées que leur surface soumise à d’improbables torsions.
  • Stabilité vs instabilité – Quand elles sont présentées au sol, la plupart des pièces de Samuel Aligand suscitent un sentiment d’instabilité, de possible chute, d’effondrement ou d’ébranlement qui déstabilise le spectateur, pourtant invité à déambuler entre elles. Le contraste est patent avec l’équilibre assuré et assumé de la plupart de ses œuvres murales, souvent présentées à proximité, comme ses Dispersions exposées à Orléans en 2015.
  • Dur vs mou – Même si le PVC et les résines plastiques sont des matériaux solides et résistants, certaines réalisations, notamment les Fonds, les Fonds perdus ou les Récifs, évoquent un univers végétal ou animal mou, peut-être marin, quasiment ectoplasmique, ou bien encore des viscères impudiquement exhibées… Et, ce, malgré l’incongruité de leurs couleurs dans un tel contexte.
  • Lisse vs rugueux – Le fini des œuvres de notre artiste est en général lisse, voire brillant, mais dans des pièces comme les Secoués, 2018, et, plus généralement, dans ses œuvres éclatées, la surface présente de nombreuses aspérités qui contredisent la nature du matériau leur ayant donné naissance.
  • Massif vs longiligne – Longtemps intéressé par des formes s’inscrivant dans un rectangle ou dans un cube, Samuel Aligand développe, depuis 2022, des structures filiformes, en particulier dans les séries Tiges ou Aiguillons. Celles-ci évoquent des objets ethniques, comme des sagaies ou des lances, et sont souvent exposées en contrepoint de pièces plus conventionnelles.
  • Petit vs grand – Nous avons déjà évoqué la fascination de notre artiste pour les objets de curiosité, par nature de petites dimensions. Les Chapelets, 2023, font partie des œuvres récentes dans cet esprit. Il n’hésite pas à les confronter à des propositions de plus grande taille.
  • Couleur vs noir et blanc – Enfin, si Samuel Aligand est indéniablement un chantre de la couleur, comme dans sa proposition Les veilleurs, 2018, il n’a jamais dédaigné le recours au noir et blanc, par exemple dans ses installations Unaire et Souffles, toutes deux de 2009, ou, plus récemment, dans Sonochrome, 2017…

     En 2017, Samuel Aligand suit le cursus de la classe d’électroacoustique du conservatoire de Pantin. Il commence alors à s’intéresser aux images animées et aux sons.

     Ses premières réalisations en la matière sont ses Sonochromes, 2017, structures murales monochromes en PVC thermoformé. Dans ces grandes pièces, il tente d’établir des relations entre sons et (non-)couleurs primaires. Avant lui, plusieurs artistes ont eu recours aux synesthésies. L’exemple le plus connu est le sonnet Voyelles, 1871, de Rimbaud. On les retrouve aussi dans la musique d’Olivier Messiaen, transposant ses visions colorées en accords musicaux. Chez Alexandre Scriabine, avec son clavier à lumières, ce sont les notes de la partition de son Prométhée ou le Poème du feu, 1908-1910, qui sont associées à des couleurs. La Klangfarbenmelodie d’Arnold Schönberg, qui fut aussi peintre, d’Anton Webern et d’Alban Berg confère des colorations aux timbres instrumentaux de certaines de leurs compositions… Pour ne citer que quelques exemples… La proposition de notre artiste s’inscrit ainsi pleinement dans cette descendance.

     Dans l’étape suivante de sa démarche d’intégration du sonore et du visuel, Samuel Aligand, dans ses Disonoplasmes, 2018, amalgame, au sens propre du terme, de la musique et des images. À cet effet, il dissout, avec un solvant, les pochettes et les galettes de disques 33 ou 45 tours et présente le résultat au mur. Dissonances et ectoplasmes sont donc ainsi conjugués dans une prise au pied de la lettre de la fusion de l’acoustique, de l’optique et, pourquoi pas, si le surveillant de la salle a le dos tourné, de l’haptique…

     Ce n’est que plus tard que Samuel Aligand se décide à intégrer des sons dans ses créations plastiques. De son Grand fond perdu sonorisé, 2022, Marion Delage de Luget écrit « […] l’ajout d’une bande son, nappes de synthétiseurs retraçant l’atmosphère lente et calfeutrée des abysses. Certains passages percussifs imagent de l’eau s’égouttant, rappel aussi du processus de cette pièce qui s’informe grâce à la rencontre de deux liquides. Dans ce Grand fond perdu, son et plastique se répondent en une série de rimes visuelles. Les filaments étirés à la périphérie de la masse rappellent ces crépitements ténus qui s’égrènent par moments, chaque micro événement venant troubler les nappes répétitives appelant d’ailleurs à accorder une attention accrue à la somme de détails infinitésimaux, à toutes les aspérités de ce ruban emberlificoté. Les silences portent l’accent sur les vides constitutifs de la ronde-bosse. Et la forme concentrique de la pièce elle-même, cette composition spiralaire rejoue le principe de propagation de l’onde sonore. Par cet ajout de son se propageant dans le lieu d’exposition, Samuel Aligand donne encore du volume à la sculpture qui s’expand, envahissant l’espace alentour et se réactive aussi, inexhaustible, dans la temporalité sans fin de la boucle sonore[25]. »

     Évolution à suivre car, dans ce domaine comme dans les autres, Samuel Aligand n’a pas fini d’innover, de se renouveler et de nous surprendre…

     Notre artiste a aussi plusieurs autres cordes à son arc[26]. Au-delà de ses créations plastiques, tel un représentant de commerce multicarte, il enseigne la peinture au Conservatoire à Rayonnement Départemental de Pantin – Est Ensemble, est responsable de sa programmation artistique et y assure le commissariat d’un grand nombre d’expositions… Mais ceci est une autre histoire…

Louis Doucet, avril 2025



[1] In Le Surréalisme et la Peinture, 1928.
[2] In notice de l’exposition Samuel Aligand – Tropismes, Galerie du Haut-Pavé, du 25 avril au 20 mai 2006.
[3] Form ist also nirgends und niemals als Erledigung als Resultat, als Ende zu betrachten sondern als Genesis, als Werden, als Wesen. Form als Erscheinung aber ist ein böses gefährliches Gespenst, in Über die moderne Kunst, préface à une exposition à Iéna, en 1924, publication posthume en 1945.
[4] Antoine Pevsner et Naum Gabo.
[5] Samuel Aligand avoue d’ailleurs son intérêt de toujours pour les grotesques : Je me suis rendu compte, en réfléchissant sur mes œuvres, que les résultats obtenus par ces procédés sont empreints de l’intérêt que j’ai pour les grotesques depuis mes études à l’École Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Cergy. […] Ce qui m’a toujours fasciné dans ce genre de peinture, c’est d’abord la manière dont elles sont apparues à Rome vers la fin du XVe siècle. On les découvre dans les sous-sols du Palais de Néron, sur les murs des maisons romaines ensevelies depuis des siècles et donc semblables à des grottes. Dans cette apparente anarchie de formes proliférantes, se cache un programme pictural : le refus des règles de la pesanteur, l’hybridation des espèces, et l’étroite relation avec les bâtiments et les œuvres qui les entourent. Tout ceci concourt à la fabrique du merveilleux, in note de l’artiste, 25 juin 2011.
[6] Ibidem.
[7] Ibidem.
[8] Ibidem.
[9] Écrit entre 1912 et 1914 et publié, en 1925, sous le pseudonyme d’Alberto Caeiro, dans la revue Athena :
     Da minha aldeia vejo quanto da terra se pode ver do Universo…
     Por isso a minha aldeia é tão grande como outra terra qualquer,
     Porque eu sou do tamanho do que vejo
     E não do tamanho da minha altura…

[10] Op. cit.
[11] Alexandre Mare, mars 2008.
[12] Ce qui reste après, du latin reliquus : qui reste.
[13] In Harmonies poétiques et religieuses, 1830.
[14] Exposition Détournement et recyclage, Maison des Bonheur, Magny-les-Hameaux, du 29 avril au 21 mai 2014.
[15] Ne me touche pas, traduction latine, par saint Jérôme, de l’expression biblique grecque μή μου ἅπτου, Jn 20,17.
[16] Op. cit.
[17] Die einmalige Erscheinung einer Ferne, so nah sie auch sein mag, in Kleine Geschichte der Photographie, 1931, puis Das Kunstwerk im Zeitalter seiner technischen Reproduzierbarkeit, 1936.
[18] « [dans le baroque] les plis du vêtement prennent autonomie, ampleur, et ce n’est pas par simple souci de décoration, c’est pour exprimer l’intensité d’une force spirituelle qui s’exerce sur le corps, soit pour le renverser, soit pour le redresser ou l’élever, mais toujours le retourner et en mouler l’intérieur », in Le Pli Leibniz et le Baroque, 1988.
[19] In Principes de la nature et de la grâce fondés en raison, 1714.
[20] Titre d’un livre de Georges Vignaux : Penser &organiser – Le Démon du classement, 1999.
[21] Op. cit.
[22] Op. cit.
[23] Op. cit.
[24] La beauté convulsive sera érotique-voilée, explosante-fixe, magique-circonstancielle ou ne sera pas, in L’Amour fou, 1937. Explosante-fixe est aussi le titre d’une composition de Pierre Boulez, work in progress de 1971 à 1993, qui projette des fragments sonores dans tout l’espace environnant.
[25] Octobre 2022, site de l’artiste : www.samuelaligand.fr.
[26] Arc-en-ciel, pourrait-on dire au sujet de ce grand coloriste…

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